De l’Ircam à la Biennale de Venise : le parcours inspirant de Pierre-Marie Blind dans le son immersif

pierre marie blind

Par Laurent Tricart – Directeur de l’innovation et des partenariats

À travers un parcours pro d’une dizaine d’années, Pierre-Marie Blind, fondateur de l’entreprise Blind Sounds, a pu se frotter au design sonore dans le jeu vidéo, l’art contemporain, l’audiovisuel. Aujourd’hui, il jouit d’une réputation internationale dans la création sonore pour expériences immersives.

Reconnaissance internationale : deux œuvres VR à Venise

A peine ses valises posées à la Plaine Images, ou plutôt à peine son studio de création sonore implanté au sein des locaux de Pictanovo, que Pierre-Marie Blind partait à Venise pour participer à la 81e édition du Festival International du Film.  Plus spécifiquement, cet ex-Francilien-fraîchement-Lillois rejoignait la communauté professionnelle regroupée autour de la compétition Venice Immersive : 26 œuvres immersives, linéaires ou interactives, en provenance du monde entier.

Un rendez-vous immanquable pour ce designer sonore spécialisé dans les contenus VR, et d’autant qu’il figure au générique de 2 des 26 œuvres de cette compétition !
Deux œuvres radicalement différentes dans la direction artistique mais qui s’avèrent partager le fait d’aborder frontalement des sujets ardus.
 
 

Mamie Lou, réalisé par Isabelle Andreani et coproduit par Small Creative, Skill Lab, France tv StoryLab, invite le spectateur à prendre la place d’un esprit accompagnant une grand-mère dans ses derniers moments. 

mamie lou pierre marie blind

Champ de bataille, réalisé par François Vautier et coproduit par Da Prod, Digital Voodooh, Kwassa Films et, là aussi, France Télévisions, est une expérience immersive au cœur des tranchées de Verdun en 1917, dans la folie meurtrière d’un assaut. 

Au total, ce ne sont pas moins de 8 des 26 films de la compétition qui ont été produits ou coproduits dans l’Hexagone. Une donnée concrète pour rappeler une fois de plus la vitalité de la création immersive tricolore !*
C’est probablement cette vitalité française qui a permis à Pierre-Marie Blind de développer une expertise assez rare sur le design sonore pour des œuvres VR. Mais ce sont originellement des études à l’Ircam (Institut de recherche et coordination acoustique/musique, autre fierté française !), qui lui ont appris à envisager la matière sonore sous de nouvelles perspectives.

 

Mes études au Conservatoire de Paris en musique classique m’ont transmis l'art de l'articulation et de l'interprétation, l’Ircam m’a donné la démarche d'un designer sonore. C'est à dire que pour toute création, nous considérons tout autant l'usager et son contexte environnementale que la dimension artistique. Que cela s'applique à une création immersive, l'interface d'une voiture électrique ou d'un jeu vidéo"

raconte le diplômé IRCAM 2016.

 

De la musique classique au design sonore : un parcours atypique

Ces études l’ont donc amené à envisager le design sonore (« mon boulot, c’est de créer des sons ») plutôt que la composition : « le son, c’est un langage très abstrait. Faire ressentir des émotions avec des sons, c’est encore plus compliqué que de la faire à travers la création musicale ».   Et après avoir assisté la création sonore pour des installations d’art contemporain (comme Ghina, au Familistère de Guise) ou signé le son des créations théâtrales, il se fixe un temps dans le gaming. Direction Düsseldorf et le studio Ubisoft.  

Si Pierre-Marie rejoint l’un des leaders mondiaux du gaming, et s’il collabore à des productions comme Far Cry 5 ou Settlers, ces 2 années allemandes (2018-2020) sont surtout consacrées à travailler sur des projets dédiés à l’entertainment immersif au sein d’une « équipe à part, jouissant de beaucoup de libertés » : Ubisoft Escape Games. Soit la business-unit dédiée à la création d’expériences immersives autour des licences les plus fameuses d’Ubi ; expériences proposées aux visiteurs de parcs à thèmes, de salles d’arcade ou d’escape rooms. Une vingtaine de collaborateurs qui travaillent en mode start-up et s’emploient à offrir à des licences comme Assasin’s creed ou Prince of Persia de nouvelles potentialités de rencontres avec leur public… et de revenus.

La VR comme terrain d'innovation sonore

Globalement, pour un designer sonore comme Pierre-Marie, travailler sur le jeu vidéo ou les expériences immersives, c’est mêler la complexité et le plaisir :

« Le développement pour le jeu vidéo est plus complexe et plus abstrait, car tous les départements y travaillent en parallèle et simultanément. On avance brique par brique, alors que la post production pour du contenu audiovisuel linéaire suit un chemin plus droit et identifié. Le jeu vidéo, c’est un casse-tête à résoudre. Mais c’est aussi la satisfaction d’être plus longtemps sur le projet. Et en France, on a beaucoup de jolis projets en jeu indé, avec des producteurs qui prennent conscience du son très tôt dans le processus de construction du jeu. »

En témoignent ses collaborations sur des réussites indés comme Blanc ou encore Dordogne.
L’immersif, c’est le plaisir d’un « médium à la fois intuitif et extrême dans ses possibilités » : « le casque est une interface beaucoup plus naturelle qu’un ordinateur : ma grand-mère a utilisé une de mes expériences sans tutoriel, alors qu’elle a du mal avec le double-cliquer ! »

Dans ses dernières réalisations, Pierre-Marie Blind ne manque pas d’ailleurs de citer le jeu 3D VR Puzzling Places, dont la promesse commerciale met en valeur des sons immersifs et uniques. Rare de voir l’expérience sonore ainsi valorisée : preuve que pour un designer sonore, l’avenir se joue probablement dans l’immersif. Pierre-Marie Blind est probablement at the right place in the right time!

 

*On notera par ailleurs que les 2 œuvres immersives citées ont été coproduites par Pictanovo, l’outil des Hauts-de-France pour développer la création audiovisuelle, via son fonds Nouveaux Médias. Ces 2 œuvres devraient être visibles lors de la prochaine édition de PIX

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