Le point sur le cadre juridique de l’IA générative

Cadre juridique de la production audiovisuelle

Retour sur notre dernier IApéro à la Plaine Images, un événement mensuel pensé par et pour les professionnels des industries culturelles et créatives.

Entre génération vidéo et réglementation, cette rencontre a été l’occasion de découvrir un projet incubé à la Plaine Images qui utilise l’intelligence artificielle pour aider à la production de contenu audiovisuel, mais aussi de refaire le point sur la réglementation en matière de protection intellectuelle.

Nous avons donc rassemblé autour de la table Julien Frisch, ancien incubé, consultant en IA, et un des référents BPIFrance pour le programme IA Booster France 2030, Olga Tarasova, entrepreneuse en IA créative et CEO d’AI LUMIERE, Claire Caquant, cofondatrice de Your Legal Angel et Mathieu Bouillon, fondateur de Flits et spécialiste IA & droit.

 

Comment équilibrer IA générative et respect du droit ?

En l’absence de législation précise sur l’utilisation de l’intelligence artificielle, des règles de bon sens valables pour n’importe quelle création s’appliquent. Faisons un petit test :

Si vous produisez du contenu pour un client :

  • Assurez-vous bien que vos créations n’existent pas ailleurs ?
  • Êtes vous au clair sur les modes de cession des droits de vos créations ?
  • Connaissez-vous les risques en cas de contrefaçon, ou si votre client est attaqué ?
  • Avez-vous une assurance de responsabilité civile professionnelle ?

Si vous faites appel à des prestataires : regardez vous attentivement leurs conditions générales de vente ?

Si vous avez répondu oui à toutes ces questions, alors, bonne nouvelle, vous savez déjà comment travailler avec l’IA générative !

 

Les règles traditionnelles de la propriété intellectuelle s’appliquent

Pour le dire simplement, toutes les contraintes que vous avez en tête au cours de vos process de création “traditionnels” sont les mêmes. Considérez l’intelligence artificielle comme un prestataire, et appliquez les mêmes règles de bon sens.

Petit récapitulatif des points de vigilance à respecter :

  • L’antériorité : on s’assure que ses créations n’existent pas par ailleurs.
  • La cession des droits : on se renseigne sur les modes de cession des droits de ses créations.
  • Le contrat client : on est attentif, particulièrement sur les clauses de risque.
  • L’assurance : l’assurance en responsabilité civile professionnelle est bien sûr un indispensable
  • Les prestataires : on est vigilant sur les contrats avec ses prestataires.

 

Une nouvelle règle s’ajoute à ces règles traditionnelles de la propriété intellectuelle, afin de s’adapter aux nouveaux usages intégrant l’IA : la documentation.

La documentation, réflexe indispensable

On le sait, le champ de la création adossée à l’intelligence artificielle est encore en plein bouleversement. Et le droit va, comme à son habitude, s’adapter à l’usage. Le conseil le plus judicieux que Claire Caquant délivre est le suivant : documenter toutes ses créations IA. Dans les faits, cela consiste à archiver l’ensemble de ses prompts et de ses processus créatifs utilisant l’IA :
Conservez tous vos prompts dans un fichier documenté, prenez au besoin des captures d’écran de vos conversations avec l’IA pour accumuler des preuves de votre processus créatif. Ces éléments pourront vous protéger en cas d’assignation en justice.

Prenons un exemple simple : il est probablement très risqué en termes de droit intellectuel, de demander à une IA générative de créer une image d’Hermione Granger, personnage déposé. Par contre, vous pouvez demander à l’IA de créer l’image d’une jeune écolière aux cheveux roux bouclés et aux tâches de rousseurs, en costume d’école britannique avec son écusson rouge sur le devant, tenant dans sa main une baguette.

L’image sera probablement sensiblement la même, mais le risque juridique encouru devient nul. A charge pour vous de prouver que vos prompts étaient dans les limites de la propriété intellectuelle.

 

Où en est le cadre juridique de l’IA générative ?

Prenons un peu de hauteur en rappelant les trois niveaux de protection juridique en termes de propriété intellectuelle, et ses applications à l’intelligence artificielle.

3 piliers juridiques sont à respecter dans le droit intellectuel :

La protection des droits fondamentaux

Elle se traduit par l’IA Act, adopté par l’Europe en juillet 2024. C’est le premier règlement au monde qui garantit la protection des droits fondamentaux des personnes, pour protéger la démocratie, la santé et l’environnement. Pêle-mêle : interdiction des catégorisations biométriques en fonction des opinions politiques, religieuses, philosophiques, de l’orientation sexuelle ou de l’ethnie, des systèmes de notation citoyenne, de surveillance de masse pour créer des bases de données de reconnaissance faciale, de reconnaissance des émotions, etc.

 

La protection des droits fondamentaux

Elle correspond à la propriété intellectuelle : comment je protège mes créations, comment les tiers protègent les leurs, et comment me protéger si on aspire mes données. Sur cette partie du droit, des batailles juridiques sont en cours, notamment aux Etats-Unis. En résumé :

  • L’apprentissage des modèles de langage fonctionne comme une boîte noire pour le moment. L’entraînement du modèle n’est pas répréhensible en soi, mais c’est sur ce point que les procès se concentrent. La faille juridique est très ténue puisque l’entraînement se fait grâce aux scrolls de robots sur Internet, ce que des moteurs de recherche comme Google font en permanence pour indexer le web, sans que cette activité soit répréhensible.
  • Cependant, la génération de contenu doit respecter le droit d’auteur et n’est pas protégeable par le droit d’auteur.
  • Si retouche ou modification du contenu généré, l’œuvre devient protégeable car il y a un travail humain dessus.
 

La RGPD

Le règlement général sur la protection des données statue sur l’encadrement du traitement des données en Europe. Sur ce plan, ça se complexifie un peu puisque beaucoup de modèles de langages sont hors Europe. La question à avoir en tête est donc de se demander où se partent vos données, dès lors que vous envoyez un prompt sur un serveur LLM !

  • Vos actions servent-elles à entraîner le modèle ? Si vous utilisez ChatGPT en version gratuite, vous entraînez à chacune de vos actions. En version payante, vous devez décocher l’option via un opt-out un peu caché. Pour Mistral, il faut envoyer un mail. Chaque service a son propre système, à vous de chercher la réponse pour vous prémunir.
  • Le serveur du LLM se trouve-t-il en Union Européenne ? Cette question devient cruciale en cas de données sensibles, l’UE ayant des garanties plus protectrices pour les ayants-droits.

En résumé, pour être “RGPD Compliant”, il faut que les actions n’entraînent pas le modèle et que les serveurs du modèle se trouvent en Union Européenne.

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