Dofus 3 ou l’éternelle résurrection d’un MMORPG qui fête ses 20 ans

Lancé en 2004, Dofus est rapidement devenu une figure incontournable du jeu vidéo Made in France. Avec sa direction artistique unique et son gameplay tactique en tour par tour, le titre du studio roubaisien Ankama a séduit des millions de joueurs. Vingt ans plus tard, la saga fait son grand retour sur le devant de la scène avec la sortie très attendue de Dofus 3. Plus qu’une simple mise à jour, ce nouvel opus est une refonte technique et artistique ambitieuse, fruit de plusieurs années de travail et de paris technologiques risqués. Retour sur une success story issue des Hauts-de-France, racontée lors d’une conférence PIX 2025 par Geoffroy Pineau et Maxime Lagache, respectivement Producer et Lead Developper Unity sur le MMORPG emblématique.

Genèse du projet : pourquoi Dofus 3 ?

Si Dofus a su traverser les décennies, c’est au prix d’un maintien quasi-héroïque d’une technologie en sursis. Développé à l’origine en Flash, le jeu a longtemps défié les limites de son moteur. Mais en 2020, avec la fin officielle du support de l’antédiluvienne technologie, l’évidence s’impose : Ankama doit passer à autre chose s’il veut continuer à faire perdurer la magie pendant encore de nombreuses années !

C’est dans ce contexte post-Covid, entre fin 2022 et fin 2023, qu’Ankama entame l’ambitieux chantier de Dofus 3. Le studio opte pour Unity, moteur désormais central dans sa production. Une trentaine de développeurs initient un portage en collaboration directe avec les équipes de Unity. Puis le projet prend de l’ampleur : il ne s’agit pas seulement de faire migrer le jeu d’une technologie à une autre, mais de le réinventer, moderniser ses interfaces, enrichir ses animations et améliorer ses performances.

Cette mue technologique est donc bien plus qu’un simple changement de moteur : elle incarne la volonté de faire entrer Dofus dans une nouvelle ère, sans trahir l’âme du jeu original !

Maxime Lagache, Lead Developper Unity chez Ankama

Sortir du carcan Flash

Flash a longtemps été le pilier de Dofus, mais aussi sa principale contrainte. Limitations graphiques, impossibilité d’animer les maps, restrictions d’affichage du nombre de joueurs en simultanée : les développeurs devaient alors composer avec un moteur de plus en plus anachronique. Geoffroy Pineau et Maxime Lagache sont catégoriques à ce sujet : maintenir Dofus 2 relevait tout simplement de la prouesse technique.

Le passage au moteur Unity a été vécu comme une libération, mais la transition ne s’est pas faite sans douleur. La tâche s’annonce titanesque : exporter vingt ans d’assets, faire évoluer un jeu culte sans en briser l’équilibre, tout en continuant à faire vivre Dofus 2 et sa communauté de plus de 200 000 joueurs mensuels. Anecdote qui vaut son pesant de kamas : l’équipe ira même jusqu’à recréer des textures HD à partir de simples captures d’écran, faute de pouvoir récupérer des fichiers originaux aux abonnés absents ou difficiles à retrouver. Des scripts sont automatisés à la chaîne pour gérer ce volume colossal de contenu. Pour Maxime Lagache, c’est d’ailleurs là le souvenir le plus douloureux du projet : la gestion des packs HD et 4K, avec 140 000 textures à faire ressortir en trois niveaux de qualité différents. Un « vrai enfer », comme le résume Maxime Lagache.

Pour Ankama, le chantier est aussi l’occasion de recruter de nouveaux développeurs. Flash étant une technologie morte et enterrée, passer à Unity permet au géant français d’attirer de jeunes talents afin de renouveler ses équipes. Aujourd’hui, tous les nouveaux projets du studio sont d’ailleurs pensés autour de Unity. Une unification salutaire.

Annonces et lancement : un virage marketing maîtrisé

En 2024, après plusieurs années de développement semi-confidentiel, Ankama opère un revirement complet dans sa stratégie de communication. Place à la transparence, aux devlogs, aux sondages communautaires, à une phase bêta intense de quatre à cinq mois, et surtout à une grande campagne orchestrée autour de Twitch en décembre 2024.

L’objectif est clair : séduire les vieux de la vielle et attirer toute une nouvelle génération de joueuses et joueurs. Grâce à l’implication de figures majeures de la scène streaming française, dont Kameto, Squeezie, MisterMV et les équipes e-sports Solary, Karmine Corp, Aegis et GentleMates, le lancement prend une ampleur inédite. Résultat : plus de 300 000 préinscriptions à l’annonce de la bêta, et un million de joueurs atteints en un mois à peine. Nos intervenant nous confient qu’il a même fallu augmenter le nombre de serveurs en urgence pour faire face à cette affluence record.

Côté récompenses, la consécration ne tarde pas à arriver : Dofus 3 décroche le prix du meilleur jeu en tant que service (GaaS) aux Pégases 2025, une reconnaissance prestigieuse dans un contexte pourtant tendu pour l’industrie vidéoludique française

Le casse-tête du multicompte

Si le passage à Unity a résolu bien des problèmes, il a fait naître d’autres défis, notamment l’épineuse question du multicompte. Cette spécificité de la communauté Dofus, dont une bonne moitié aime jouer personnages à la fois, représente un enjeu à la fois technique, ergonomique et marketing.

Actuellement, l’équipe envisage deux solutions : soit autoriser plusieurs fenêtres, avec une interface conçue pour faciliter le switch d’un personnage à l’autre ; soit simuler plusieurs personnages sur un seul et même client. C’est cette seconde piste qui semble plutôt s’imposer, bien qu’elle soulève également de nouvelles interrogations : comment gérer les sauvegardes ? Comment éviter les dérives ? Comment organiser les flux de données côté serveur ?

Encore en phase de discussions, ce sujet illustre bien la complexité d’apporter des réponses aux contraintes techniques actuelles tout en faisant perdurer des habitudes profondément ancrées dans la communauté.

Souvenirs de production : entre galères et instants de grâce

Derrière les chiffres et les lignes de code, il y a des humains, des galères, et des moments en dehors du temps. Pour Maxime Lagache, le plus beau souvenir reste celui de la release : l’aboutissement de deux années de travail acharné récompensé par l’engouement des fans historiques et des nouveaux venus. Pour Geoffroy Pineau, c’est la fermeture des serveurs de Dofus 2 : « une œuvre qui te dépasse ». Un moment historique, symbolisé par l’émotion de Squeezie découvrant son PNJ dans la nouvelle version du jeu.

Mais la route a aussi été semée d’embûches. Geoffroy Pineau se rappelle notamment des attaques DDoS, d’une ampleur inédite dans l’histoire de la saga, qui ont perturbé les deux premières semaines de lancement. Un stress énorme pour l’équipe, doublé d’une pression communautaire intense.

Malgré une fête un peu gâchée par les attaques sur les serveurs, c’est la fierté qui prédomine. Avec Unity, Dofus 3 va bénéficier de possibilités inédites : animations dynamiques des cartes, shaders, système de particules, feedbacks visuels plus riches… Le monde des Douze va désormais pouvoir évoluer en fonction des choix des joueurs. Une promesse d’immersion renforcée qui devrait ravir les fans de la première heure.

Geoffrey Pineau, producer chez Ankama

Trouver l’équilibre entre audace et fidélité

Dofus 3, c’est le récit d’un studio qui a osé façonner son joyau brut sans prendre le risque de le briser. Un projet qui a nécessité des années de travail, des remises en question constantes et une stratégie marketing parfaitement calibrée. Ankama a su trouver l’équilibre entre fidélité aux origines et audace technologique, pour faire renaître une légende du jeu français à l’heure des superproductions réalistes en 3D. Si le succès de cette résurrection est déjà au rendez-vous, l’avenir s’annonce encore plus riche : gameplay évolutif, technologies émergentes, nouvelles extensions… Une chose est certaine, Dofus 3 n’a pas fini de surprendre !

Le festival PIX réunit l'écosystème des ICC

Geoffrey Pineau et Maxime Lagache étaient invités en avril 2025 dans le cadre du festival PIX organisé par la Plaine Images. PIX est né de la volonté de faire briller les acteurs des industries cultuelles et créatives du territoire des Hauts-de-France. 

À la fois temps de rencontres entre acteurs de la filière des industries créatives, PIX est aussi une vitrine d’inspiration pour les professionnels « d’ailleurs » voulant s’emparer des bonnes idées, des méthodos, de la créativité et des innovations produites au sein des ICC. 

Retrouvez plus d’informations sur le site du festival.

Le replay intégral de notre conférence est disponible ici :

Et pour retrouver plus de conférences, rendez-vous sur notre chaîne YouTube.

accueil