Par Louise Blas – Chargée de veille & prospective à Plaine Images
Dur dur de suivre l’actualité foisonnante autour de l’IA, tant les sorties de produits et autres annonces « révolutionnaires » abondent… Producteurs, artistes, compositeurs, labels, data analysts, développeurs de service music tech : l’IA touche tous les métiers et s’immisce dans la création artistique et les process opérationnels pour secouer l’industrie au global. Water & Music vient de donner un webinaire qui tombe à point nommé pour faire le point.
D’abord un constat : le marché devient mature, avec 25% des créateurs de musique qui ont déjà utilisé des outils d’IA (la majorité pour faire des séparations de stems ou du mastering, plutôt que pour créer un morceau complet). Les pros de l’industrie sont 40% à utiliser l’IA dans le traitement de leurs données. Côté investissements cependant, on constate un ralentissement conséquent des tickets: la faute aux poursuites judiciaires en cours et aux limitations légales qui persistent.
Trois tendances IA de la music tech
– Face à la rareté et au coût des données « réelles », les modèles d’IA s’entraînent de plus en plus sur des données synthétiques. Adieu donc les coûts de licence et négociations avec les ayants droits. Nourrir la bête avec ses propres outputs, semble de prime abord une idée hasardeuse quand on sait désormais que génération après génération, l’IA dégénère. Pourtant, les chercheurs explorent cette piste pour la génération de plugins, de variations instrumentales ou encore le taggage des données. Une approche hybride mixant données « réelles » et données synthétiques semble être la plus optimale pour entraîner les modèles. A noter que la qualité audio générée par l’IA est encore insuffisante pour permettre de « s’auto-nourrir ».
– La maîtrise fine des modèles IA progresse, et l’utilisateur peut de plus en plus guider et modifier les outputs de l’IA (notamment en modifiant un rendu par itération de prompt, sans avoir à regénérer de zéro avec un nouveau prompt plus abouti). Cette granularité de plus en plus poussée érode selon Water & Music l’avantage traditionnel des compositeurs et producteurs, avec une place accrue pour la direction artistique, au détriment de l’expertise technique. Une tendance similaire à la recette magique de Rick Rubin, qui s’est déjà exprimé sur ce sujet.
– Enfin, la détection des contenus IA marque un tournant décisif, en lien direct avec la protection des droits d’auteurs : les plateformes de streaming traquent les contenus artificiels, des services proposent des certifications pour les modèles d’entraînements de données, des détecteurs de deepfakes musicaux, du watermarking de contenu… avec des problématiques pour chaque approche.
En résumé, des rapports de force entre une multitude d’acteurs se construisent et il reste difficile de prédire qui tiendra les manettes de l’IA dans un futur proche. Et Water & Music de conclure avec une vision qui ne manquera pas de faire réagir : les artistes devront probablement adopter un point de vue plus souple en ce qui concerne la propriété intellectuelle, afin d’améliorer leur résonance, que ce soit artistiquement ou opérationnellement.